Biodiversité et Économie

Contexte et enjeux

 

La biodiversité, c'est quoi ?

Contraction usuelle de l’expression "diversité biologique", la biodiversité est "la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie ; ce qui inclut la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes." Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique, Nations Unies, Article 2, 1992. Cette notion est apparue avec les sciences de la conservation et l’écologie scientifique dans les années 80.

Le monde vivant est divers à tous niveaux :

  • Diversité des individus et variabilité de leurs gènes au sein de chaque espèce (diversité génétique)
  • Diversité des espèces et de leurs populations qu’elles soient microbiennes, végétales ou animales (diversité spécifique)
  • Diversité des communautés, des écosystèmes, voire des cultures au sein du monde humain. Les humains font bien partie de ce tissu vivant qui forme la biosphère.


La biodiversité dispense de nombreux bénéfices pour la vie sur Terre. L’Office Français de la Biodiversité (OFB) en dresse la liste suivante :

  • La biodiversité répond directement aux besoins primaires des humains en apportant oxygène, nourriture et eau potable.
  • La biodiversité contribue au développement des activités humaines en fournissant matières premières et énergies.
  • La biodiversité est primordiale en agriculture et participe au renouvellement des sols.
  • La biodiversité protège des risques environnementaux (incendies, maladies, épidémies, vulnérabilité aux évènements extrêmes, épuisement des ressources…)
  • La biodiversité est source d’inspiration. Le bio-mimétisme est par exemple une ressource extraordinaire pour le monde médical.


Mais la biodiversité est aujourd’hui marquée par une extinction massive des espèces. Dans sa première évaluation mondiale en 2019, l’IPBES (l’équivalent du GIEC) alerte sur la vitesse des changements induits par l’activité humaine dépassant nettement celle de la capacité d’adaptation des organismes vivants.

  • 75% de la surface terrestre est altérée de manière significative, 66% des océans subissent des modifications de plus en plus importantes (températures, pH, salinité, oxygénation, écosystèmes...) et plus de 85% de la surface des zones humides ont disparu.
  • La destruction des habitats menace d’extinction en quelques décennies plus d'un million d'espèces et pourrait engendrer la disparition de 75% des espèces animales dans les siècles à venir.

Toujours, selon l’IPBES, les activités humaines sont responsables de cette érosion de la biodiversité, à travers cinq facteurs majeurs qui influent sur la diversité biologique :

  • La conversion de milieux naturels en milieux artificiels, principale cause de la destruction et du morcellement des écosystèmes.
  • Les pollutions de l’air, du sol, de l’eau mais aussi lumineuse et sonore affectent tous les aspects de l’environnement.
  • La surexploitation des ressources compromet gravement le fonctionnement des écosystèmes et leur renouvellement.
  • Le changement climatique influe sur les cycles de vie de l’ensemble des êtres vivants. Il impacte également la répartition géographique des espèces et donc la chaîne alimentaire.
  • L’introduction volontaire ou involontaire par l’homme d’espèces exotiques envahissantes (EEE) impacte tous les milieux et territoires.

 

Biodiversité et économie

« Il n’existe pas plus d’équilibre dans la nature que dans l’économie, mais de l’instabilité, de la variabilité, du changement. » Jacques Weber, 1996

La théorie économique a longtemps considéré la nature et ses ressources comme éternelles et illimitées, de par leur gratuité. Cependant, les choix et comportements socio-économiques ont une influence sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. De plus, la biodiversité et les services fournis par les écosystèmes sont absolument nécessaires à de nombreuses activités économiques et au bon fonctionnement des sociétés humaines. Ils sont donc source de valeur pour la société même si cette valeur n’est pas toujours entièrement mesurable avec nos outils et unités actuels. Ne pas prendre en compte ces externalités peut alors mettre en danger économie et société.

Lorsque l’économie se penche sur la biodiversité

Depuis près de 20 ans, diverses initiatives ont contribué à faire prendre conscience de l’importance de la biodiversité d’un point de vue économique et social, et du danger que représente sa dégradation, en particulier :

  • La mise en place en février 2006 d’un Groupe de Travail co-animé par ORÉE et l'Institut Français de la Biodiversité (à l’époque dirigé par Jacques Weber, actuellement Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité) pour aider les entreprises à intégrer la biodiversité dans leurs stratégies. C’est la première fois en France que des acteurs économiques et scientifiques se réunissent autour de la question de la biodiversité et plus particulièrement de la réintégration de l’activité économique dans la dynamique des systèmes vivants.
  • La création de la Fondation pour la Recherche sur la biodiversité (FRB) en 2008 à la suite du Grenelle de l’environnement.
  • La publication en 2009 du rapport du Conseil d’Analyse Stratégique Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, présidé par Bernard Chevassus-au-Louis, préconise d’élaborer des méthodes de calcul des coûts de maintenance et de restauration de la disponibilité des services écosystémiques.
  • L’étude internationale dirigée par Pavan Sukdev The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB), publiée en 2010 et portée par la Commission Européenne, sur les bénéfices tirés de la biodiversité et les coûts de son érosion.
  • La publication en 2011 du rapport du Conseil d’Analyse Stratégique sur les Aides publiques dommageables à la biodiversité, présidé par Guillaume Sainteny.
  • La première évaluation mondiale de l’IPBES en 2019 qui met au jour les 5 facteurs de pression que les activités humaines exercent sur la biodiversité.
  • Le 1er janvier 2020, l’Office français de la biodiversité est créé à partir de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
    Celle-ci s’inscrit dans la continuité de la Stratégie nationale pour la biodiversité et du Plan interministériel sur la biodiversité, dévoilé le 4 juillet 2018.
  • Selon l’estimation mondiale la plus complète réalisée par l’OCDE dans son rapport "Financer la biodiversité, agir pour l’économie et les entreprises", préparé pour la réunion des ministres de l’Environnement du G7, les 5 et 6 mai 2019, les services écosystémiques représentent des avantages allant de 125 à 140 milliards de dollars par an. Les écosystèmes se rapprochent de seuils critiques et de points de basculement qui, s’ils sont franchis, entraîneront des changements persistants et irréversibles à ces services ; les entreprises et les investisseurs ont donc intérêt à intégrer la biodiversité comme créatrice d’opportunités et de risques.
  • Le rapport du WEF de 2020 montre que 400 millions d’emplois pourraient être créés par des actions positives pour la nature, créant une valeur économique de 10 billions de dollars environ. 50% du PIB mondial serait dépendant de la bonne santé des écosystèmes.
  • La Banque de France a publié en 2021 un document de travail estimant pour la première fois l’impact des risques financiers liés à la biodiversité pour les institutions financières françaises. Construit selon des principes proches de l’analyse des risques climat, ce modèle pose les fondations de la compréhension d’un nouvel enjeu clé pour la stabilité financière. 42 % du montant des actions et obligations détenues par des institutions financières françaises est émis par des entreprises qui sont fortement ou très fortement dépendantes d’au moins un service écosystémique.
  • Les méthodes et les trajectoires pour lutter contre le changement climatique ont particulièrement influencé de récentes initiatives pour donner une valeur à la nature.
  • Le Science Based Targets Network (SBTN), un réseau mondial intégré à la Global Commons Alliance, a publié des lignes directrices à destination des entreprises afin de réduire leurs impacts sur la perte de biodiversité. Les travaux de cette coalition sont particulièrement stimulants et permettent de se repérer dans les diverses approches pour que les entreprises intègrent leurs impacts biodiversité. 
  • Le 18 septembre 2023 la version finale des recommandations de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) a été publiée. Ces recommandations visent à guider les entreprises en matière d'informations à fournir pour qu’elles puissent rendre compte de l'évolution de leurs dépendances, leurs impacts, leurs risques et leurs opportunités liés à la nature et agir en conséquence.


Cette multiplicité d’approches est bon signe pour la biodiversité car on ne pilote pas le vivant comme les tonnes de carbone.

Comme le rappelle le spécialiste Luc Abbadie, "le monde vivant ne peut être que changeant et hétérogène, il est hétérogène car il répond à sa propre hétérogénéité, son hétérogénéité est la garantie même de sa capacité à se maintenir, quoi qu’il arrive…"

 

La biodiversité chez ORÉE

ORÉE s’engage pour la priorité "Biodiversité et Économie" depuis presque 20 ans en animant des Groupes de Travail (GT), en organisant des colloques, en concevant divers outils et publications, et en participant aux manifestations et groupes de réflexion internationaux (Secrétariat de la Convention sur la Diversité Biologique, Global Partnership for Business and Biodiversity, Business for Nature, IPBES, UICN, etc.) et nationaux (Comité National Biodiversité, Office français de la biodiversité, etc.).

Ces travaux visent plusieurs objectifs :

  • Aider les entreprises à percevoir leurs dépendances et impacts, directs et indirects, sur la biodiversité, non pas comme une contrainte, mais comme un enjeu au cœur de la stratégie des organisations et une source d’opportunités.
  • Mettre en évidence l’interdépendance d’une multiplicité d’acteurs vis-à-vis de la biodiversité (acteurs économiques, pouvoirs publics et citoyens/consommateurs), notamment via les services écosystémiques.
  • Accompagner ces différents acteurs dans leur participation au déploiement du nouvel accord-cadre mondial de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), en co-construisant des démarches, méthodologies et outils.

 

Notre Groupe de Travail


Nos actions/projets


Thèses :

 

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Le cadre politique

Au niveau international

Signée par 150 chefs de gouvernement lors du Sommet de de la Terre à Rio en 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB) reconnaît, pour la première fois, la conservation de la biodiversité comme une « préoccupation commune à l’humanité » et une partie intégrante au processus de développement, puisqu'elle concerne les populations et leur besoin de sécurité alimentaire, de médicaments, d'air et d'eau, d'abris et plus généralement d'un environnement propre et sain dans lequel vivre. Cette convention vise trois objectifs :

  • La conservation de la biodiversité
  • L’utilisation durable des espèces et des milieux naturels
  • Le partage juste et équitable des bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques

Le protocole de Nagoya a été adopté à la COP 10 et possède 20 objectifs qui ont visé au partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques.

La COP 13 qui a eu lieu à Cancun au Mexique a marqué un tournant en faisant signer par près de 140 entreprises la déclaration du Cancun Business and Biodiversity Pledge portant sur l’intégration de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité pour le bien-être.

Diverses initiatives se sont multipliées ces dernières années pour rendre visibles les engagements des acteurs économiques d’une meilleure prise en compte de la biodiversité dans leurs stratégies et leurs chaînes de valeur. 66 de ces initiatives ont été recensées dans le recueil coordonné par ORÉE avec l’appui du Commissariat général au développement durable du ministère de la Transition écologique et solidaire.

En 2021/2022, la COP15 de la CDB s’est tenue en format hybride. D’abord, virtuellement du 11 au 15 octobre 2021 où a été adoptée le 13 octobre 2021 la Déclaration de Kunming.

En décembre 2022 s’est tenue la deuxième partie COP15 à Montréal qui a abouti à l’adoption d’un accord cadre mondial de la biodiversité. Celui-ci pose 4 objectifs à 2050 et 23 cibles à 2030 permettant de les atteindre.
À l’horizon 2030, le cadre prévoit la conservation de 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines, la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés, la réduction de moitié de l’introduction d’espèces envahissantes, et la réduction des subventions préjudiciables à hauteur de 500 milliards de dollars des États-Unis par an.

La cible 15 enjoint notamment les pouvoirs publics à accompagner et inciter les entreprises à intégrer la biodiversité dans leur stratégie :

« Prendre des mesures juridiques, administratives ou de politique générale visant à inciter les entreprises à agir et à leur donner les moyens de le faire, notamment en veillant à ce que les grandes entreprises et les entreprises transnationales, ainsi que les institutions financières :
a) Contrôlent, évaluent et communiquent régulièrement et de manière transparente leurs risques, dépendances et incidences sur la biodiversité, y compris en prévoyant des dispositions applicables à toutes les grandes entreprises ainsi qu'aux entreprises transnationales et aux institutions financières concernant leurs opérations, leurs chaînes d'approvisionnement et de valeur, ainsi que leurs portefeuilles ;
b) Informent les consommateurs en vue de promouvoir des modes de consommation durables ;
c) Rendent compte du respect des dispositions et mesures relatives à l'accès et au partage des avantages, en tant que de besoin ;
afin de réduire progressivement les incidences négatives sur la biodiversité, d'accroître les incidences positives, de réduire les risques liés à la biodiversité pour les entreprises et les institutions financières, et de promouvoir des mesures propres à garantir des modes de production durables. »

Pour plus de détails, se reporter à notre décryptage de ce nouvel accord cadre mondial.

Au niveau national

La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) est la concrétisation de l'engagement français au titre de la Convention sur la diversité biologique (CDB), ratifiée par la France en 1994. La SNB constitue une déclinaison majeure de la Stratégie nationale du développement durable (SNDD). Elle en respecte et applique les principes de bonne gouvernance issus du cadre de référence des projets territoriaux de développement durable et agendas 21 locaux, de la Convention d'Aarhus, de la Charte de l'environnement et de la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

La stratégie 2011-2020, présentée le 19 mai 2011, a visé à produire un engagement plus important des divers acteurs, à toutes les échelles territoriales, en métropole et en outre-mer. Elle s'était fixée pour ambition commune de « préserver et restaurer, renforcer et valoriser la biodiversité, en assurer l'usage durable et équitable, réussir pour cela l'implication de tous et de tous les secteurs d'activité ». La stratégie se compose de 6 orientations stratégiques déclinées en 20 objectifs couvrant tous les domaines d'enjeux pour la société.

À la croisée de diverses parties prenantes, la première phase de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030 a donné lieu à la publication d’un volet pré-COP15 qui a fait l’objet d’un avis du CNB en mars 2022. La seconde phase a été dévoilée en juillet 2023 et a conduit au vote de l’avis du CNB le 16 octobre 2023. La version finale de la stratégie nationale biodiversité 2030 a été officialisée par la Première ministre le 27 novembre 2023, pour stopper puis inverser l’effondrement de la biodiversité.